Le test des trois passoires
Socrate avait,
dans la Grèce antique,
une
haute réputation de sagesse.
Quelqu'un vint
un jour trouver le grand philosophe et lui dit:
"Sais-tu
ce que je viens d'apprendre sur ton ami?
-Un instant,
répondit Socrate.
Avant que tu
me racontes,
j'aimerais te
faire passer un test, celui des trois passoires.
-Les trois
passoires?
-Mais oui,
reprit Socrate.
Avant de
raconter toutes sortes de choses sur les
autres,
il est bon de
prendre le temps de filtrer ce que l'on aimerait
dire.
C'est ce que
j'appelle de prendre le temps de filtrer
ce que l'on
aimerait dire.
C'est ce que
j'appelle le test des trois passoires.
*
La
première passoire est celle de la
vérité.
As-tu
vérifié si ce que tu veux me dire est
vrai?
-Non. j'en ai
seulement entendu parler...
-Très
bien. tu ne sais donc pas si c'est la
vérité.
*
Essayons de
filtrer autrement en utilisant
une
deuxième passoire, celle de la
bonté.
Ce que tu veux
m'apprendre sur mon ami,
est-ce quelque
chose de bien?
-Ah non! Au
contraire.
-Donc,
continua Socrate,
tu veux me
raconter de mauvaise choses sur lui
et tu n'es pas
certain si elles sont vraies.
*
Tu peux
peux-être encore passer le test
car il reste
une passoire, celle de l'utilité.
Est-il utile
que tu m'apprennes ce que mon ami aurait
fait?
-Non, pas
vraiment.
*
-Alors,
conclut Socrate,
si ce que tu
as à me raconter,
n'est ni
vrai,
ni
utile,
pourquoi
vouloir me le dire?
****
Dans tous les
cas, mariez-vous.
Si vous tombez sur une bonne épouse, vous serez
heureux,
et si vous tombez sur une mauvaise,
vous deviendrez philosophe, ce qui est excellent pour
l'homme.
Socrate
***
Parole de
Socrate
Socrate un
jour faisant bâtir,
Chacun
censurait son ouvrage:
L'un trouvait
les dedans, pour ne lui point mentir,
Indignes d'un
tel personnage;
L'autre
blâmait la face, et tous étaient d'avis
Que les
appartements en étaient trop petits.
Quelle maison
pour lui! l'on y tournait à peine:
"Plût au
ciel que de vrais amis,
Telle qu'elle
est, dit-il, elle pût être pleine!"
Le bon Socrate
avait raison
De trouver
pour ceux-là trop grande sa maison.
Chacun se dit
ami; mais fou qui s'y repose:
Rien n'est
plus commun que ce nom,
Rien n'est
plus rare que la chose.
Jean de la
Fontaine
*****
Coup de
théâtre antique
Ce texte
met en scène un épisode véridique de
celui qu'on appelait le Philosophe. Cela lui valut
d'être interdit de lecture jusqu'à
aujourd¹hui dans plusieurs Lycées fidèles
à Maïmonide qui prononça
l'anathème en découvrant cette
révélation.
Le
maître se faisait âgé, mais tous avaient
honoré de leur présence sa mystérieuse
invitation. Le ton de la missive personnalisée tenait
réellement de la convocation. Le
célébrissime penseur avait voulu rassembler
tous ceux qui le fréquentaient depuis la
création de son Lycée et qu'il appelait,
à présent, ses amis. Aujourd'hui, à
l'Agora, les esprits étaient en alerte : le grand
Aristote lui-même devait leur faire la
révélation de sa vie ! Chacun
s¹était paré de sa toge la plus luxueuse
par respect pour l'auteur des meilleurs traités de
physique, métaphysique, biologie ou morale. D'aucuns
émettaient déjà des hypothèses
sur la teneur de ce coup d'éclat annoncé.
Le Philosophe
n¹avait-il pas déjà bouleversé la
conception de l'univers ? Pour certains, les investigations
de ce cerveau hors normes pouvaient même constituer
une menace.
Lorsqu'Aristote fit son apparition,
simplement drapé de blanc, le silence s'imposa. De
son regard sagace, il fixa chaque place par une lente
rotation de la tête qui parut interminable.
Enfin, de sa
voix magistrale, l'orateur apostropha :
"Mes amis...
", puis, avec une émotion non masquée, il
reprit :
"Mes amis, la
vérité que je dois vous révéler
me pèse infiniment... mais elle a le mérite
d'être brève. Mes amis, oui, mes amis... il n'y
a pas d'amis ! ".
Le Philosophe
quitta aussitôt l'estrade de porphyre et disparut
alors que, de toutes parts, naissait un sourd grondement et
que les faces se décomposaient.
Jean-Marie
Audrain
Merci
Jean-Marie!
jean-marie.audrain@versailles.iufm.fr
http://www.jeanmarieaudrain.zik.mu
***
L'OCCASION
"Quel est son
nom?" demandait un visiteur dans un atelier
où on
lui montrait, parmi plusieurs autres, un dieu dont
le
visage
était caché par ses cheveux et qui avait des
ailes
aux
pieds.
"L'occasion",
répondit le sculpteur. "Pourquoi son
visage
est-il
caché?" "Parce que les hommes le voient rarement
quand
il s'approche
d'eux."
"Et pourquoi
a-t-il des ailes aux pieds?" "Parce qu'il vient
rapidement et
s'en va plus rapidement encore ; et une fois
parti,
on ne peut
plus le rattraper."
"L'occasion
n'a de cheveux que près du front, dit un
auteur
latin ; par
derrière elle est chauve. Si vous la saisissez
par
devant, vous
pouvez la retenir, mais si vous la laissez
échapper,
Jupiter
lui-même ne pourrait la rattraper."
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